Une arrivée à Miami
Dernière mise à jour : 20 juil. 2022
Il fait nuit. La ville depuis le ciel est un tapis noir endiamanté, mais impossible de repérer un élément distinctif par rapport à n'importe quelle autre cité américaine. Bagages récupérés, formalités de douane expédiées, direction le comptoir de location de voitures.

L'américain est liquide, vos oreilles élevées dans la distinction anglaise saignent. Votre bouche va devoir s'amollir aussi, votre nez y mettre du sien, sinon on ne vous comprendra tout simplement pas. Le British, ici, est une langue étrangère (sous-titrée !). Il va falloir s'y faire. Déjà que vous ne parlez pas espagnol, ce qui vous aurait cependant bien aidé...
Pour aller prendre une navette qui va vous conduire au parking où vous attend votre voiture, il faut sortir de l'aéroport . Vous avez encore sur le dos votre veste en jean, pour tenir le froid de la climatisation, presque aussi fraîche que la température de Paris que vous avez quitté 8 heures plus tôt. Vous passez le sas...
I can feel it, coming in the air tonight, oh Lord...

Ce n'est pas tant la chaleur qui vous sauté au visage : c'est l'humidité. 90%. Vous êtes en eau 3 secondes après avoir franchi les portes extérieures. La veste de jean tombe littéralement par terre, c'est une question de survie à la mort par suffocation.
La navette est climatisée. Vous vous y engouffrez. Vous y grelottez. Mais vous en ressortez quelques minutes plus tard. Il va falloir s'habituer à cela aussi : non pas les chauds-froids, mais plutôt les chauds-glacés.
Vous n'êtes pas au bout de vos peines - pardon, pensons positif, de vos découvertes. La voiture de location est petite. Selon le concept américain. D'un point de vue européen, elle est tout bonnement énorme. Mais le vrai hic... c'est une automatique. On vous avait prévenue, mais vous aviez oublié : dans ce pays, c'est la norme. Comment ça fonctionne, ce truc ?
Dans la vie, il faut savoir reconnaître ses lacunes : direction la guérite à l'entrée du parking, où le gardien papote avec... une montagne. Près de deux mètres de haut. Une armoire à glace en uniforme, et la main débonnairement posée sur son arme bien en évidence. Qui vous toise avec méfiance, même quand vous expliquez que vous avez besoin d'un coup de main.
OK. On va la jouer blonde.
I'm French. I don't know how to start the car.
On oublie l'accent anglais (chassez le naturel...), on appuie sur les lames de rasoir à la française. Effet garanti : le gardien rigole, le policier lève les yeux au ciel. "Follow me, M'âm". Et on trotte (toujours en eau) derrière la montagne nourrie aux hamburgers qui fait un pas pendant que vous devez en faire quatre pour la suivre (de retour à la voiture, vous pensez que la notion de sécheresse est un mythe).
Voilà, votre première leçon de conduite d'une voiture-trop-grande-automatique, vous la prenez d'un black cop américain, très poli maintenant que vous ne représentez pas une menace potentielle, mais qui saute sur l'occasion de se moquer gentiment d'une Froggie un peu arriérée. Si ça lui fait plaisir... A-t-il entièrement tort ?
Parce qu'effectivement, point mort + drive + accélérateur en douceur, ce n'est pas très compliqué. Pareil pour la marche arrière, trop dur...
Le freinage, par contre, là est le piège : pédale gauche, danger !
Actionnée par la jambe droite (mettez-vous dans le crâne que vous devenez unijambiste à gauche), la pédale de frein est bi-modale. Appuyée sur sa droite, mode normal progressif. Sur sa gauche... vous pilez. Quelle que soit votre vitesse.
Vous comprenez maintenant ces cascades toujours spectaculaires dans les séries américaines, ces retournements sur le toit des voitures en pleine course ? C'est ça : le coup de pied gauche sur la partie gauche du frein. Oups.

(Question volontairement perverse : comment font les Anglais, avec leur volant à droite et la boîte de vitesse à gauche ? C'est bon ? Vous avez bien les neurones en bataille, à ce stade ?)
(Réponse : pour une fois, ils font comme tout le monde ! Non ? Si !)
Ça y est, vous l'avez en main : le volant d'une voiture blanche, dans les rues de Miami. Ce n'est pas une Testarossa, mais ce n'est pas grave. Vous mettez la radio.
Et là, le miracle se produit : vous tombez sur une station qui ne passe que des tubes des années 80... et, s'élèvent à fond les notes magiques de "In the Air Tonight". Puis tous les airs synthétiques planants qui vont bien.
Les palmiers nonchalants bordent les trottoirs. La mer n'est pas noire : elle se frange d'argent sous les lumières crues de la ville. Il fait chaud, mais vous laissez le vent vous mettre les cheveux en vrac par la fenêtre ouverte.
Pas de doute, vous venez de pénétrer dans un autre univers.